Début avril à Bordeaux se déroule la traditionnelle semaine des Primeurs. Les professionnels et journalistes du vin se précipitent de châteaux en châteaux, du Médoc à Rive Droite pour déguster le dernier millésime en cours d’élevage, embouteillé 12 mois plus tard.
Le concept est simple : après 6 mois d’élevage en barriques, des prescripteurs goûtent, crachent, se raclent le palais et spéculent sur l’évolution du vin en fonction du terroir, de la météo, la vinification du maître de chai et les conseils de l’oenologue attitrés des châteaux. Mais le plus important, c’est la note. Celle de Bob et des critiques, qui va permettre au petit milieu bordelais, courant mai, de fixer son prix de « sortie » après de savants calculs entre les acteurs de la Place de Bordeaux : propriétaires, courtiers et négociants.
Cela peut paraître délicat à certains de spéculer sur des « bébés vins », un peu trop tanniques, fruités à outrance, sans réels reflets de ce que le consommateur aura dans son verre quelques années plus tard mais à Bordeaux c’est comme ça. Roulement de trésorerie, gestion des stocks, le système de la Place, hérité d’une culture des affaires anglo-saxonne accommode bien tout le monde. Alors si les barriques sont un peu arrangées pour sembler flatteuses à la dégustation, c’est normal et puis tout le monde le fait… Surtout qu’après un millésime 2009 exceptionnel, il va être difficile aux propriétaires de nous présenter LE millésime du siècle, il y en a déjà eu trois lors de la décennie écoulée (2000, 2005, 2009). Les bordelais vont s’efforcer de nous vanter la magnificence de ce 2010 avec l’espoir de ne pas trop faire baisser les prix mirobolants atteints l’année dernière par les bouteilles expatriées en Asie.
Alors à quoi s’attendre du 4 au 9 avril prochain ? Déjà , moins de monde que les années précédentes, Vinexpo arrivant quelques semaines plus tard. Même si succéder au 2009 est un réel défi, le millésime 2010 s’annonce qualitatif. Les conditions climatiques favorables (un hiver froid et sec, un été chaud en alternance avec des nuits fraîches) annoncent un millésime 2010 puissant avec une structure dense, une concentration liée à une belle maturité, autrement dit un millésime de garde… comme tous les Bordeaux.
Cinq règles d’or pour apprécier au mieux l’ambiance frénétique du rallye à l’anglaise de la planète vin o๠chacun se saute au cou, se snobe, s’échange potins et ragots sur les réussites de l’appellation et bons plans de soirées privées :
– jamais au grand jamais ne porter de chemise blanche (malgré tous nos efforts pour cracher, on ne sait jamais),
– mesdames, pas de talons, on ne veut pas s’enliser dans le vignoble,
– ne pas oublier de réserver son déjeuner dans un château (car oui, même dans un Grand Cru Classé, il faut savoir faire la queue),
– on ne lâche pas son smartphone (on ne sait jamais quelle popstar du bordelais on va croiser),
– c’est la « crazy week », entre dégustations et dîners, on n’oublie pas sa boite à pharmacie pour tenir le choc.
Rendez-vous du 4 au 9 avril 2011 à Bordeaux pour se régaler de l’ambiance unique de la Campagne Primeurs 2010.
Hélène WorldWine