Le saké a le vent en poupe. Les plus grandes tables et les palaces en sont friands. Il est devenu l’alcool phare de l’année 2017 mais peu de personnes connaissent sa complexité et sa finesse. Ce n’est ni un vin, ni une bière, ni un spiritueux : le saké est un produit unique issu d’un savoir-faire qui remonte à plus de mille ans. Son degré d’alcool oscille entre 14 et 16° et son élaboration est issue de la fermentation.
Alors en juin dernier, le chef doublement étoilé Guy Martin s’est associé à la fondation N.I.C.O (Niigata Industrial Creation Organization) pour une découverte des prestigieux sakés de la région de Niigata.
Niigata est une région montagneuse face à l’océan située sur la côte ouest du Japon, célèbre pour la qualité de son riz et de son saké. Ici, la production du saké, principalement artisanale, représente tout juste 8% de la production totale. Outre le savoir-faire exceptionnel des tojis (brasseurs), le secret des sakés de Niigata réside dans un facteur principal et primordial : la neige… et l’eau est un des composants les plus importants dans la fabrication du saké.
L’élaboration des Saké de Niigata
Les grains de riz récoltés sont tout d’abord polis puis nettoyés. Plus les grains de riz sont polis plus le saké sera fin et complexe. Ce système de polissage aujourd’hui mécanisé permet de retirer la couche supérieure du grain qui est riche en graisse et en protéine pour ne laisser que le shinpako ; noyau riche en amidon. Les grains sont ensuite cuits à la vapeur puis refroidis à 34°, placés dans une salle où la température et l’humidité sont stabilisées et saupoudrés de koji, un champignon japonais microscopique qui libère les enzymes nécessaires à la transformation de l’amidon en sucre.
La fabrication d’alcool va se réaliser en mélangeant l’eau, les grains ensemencés et la levure ou shobu. Son cuvage dure 4 jours et s’effectue en 4 étapes au cours desquelles le toji ajoute progressivement de l’eau, des levures et des grains de riz. Le moût obtenu -appelé moromi– fermente pendant une vingtaine de jours ; le degré d’alcool va ainsi atteindre les 18 à 20°. Ce processus connu sous le nom de système de fermentations multiples parallèles est long et doit s’effectuer à basse température (10-15°).
Le moût obtenu est ensuite placé dans des sacs de toile pour être pressé mais cette technique très artisanale peut être remplacée par un pressoir automatique : moment important car c’est au moment du pressage que les arômes se développent. Le saké obtenu repose ensuite pendant une dizaine de jours dans une cuve qui permet de soutirer le saké limpide -qui sera par la suite filtré sur du charbon actif- et d’évacuer les lies. Cette opération régularise le goût et le parfum. Après avoir assemblé les différents sakés permettant d’obtenir le rendu désiré, le saké est stérilisé (chauffé à 60°) afin d’éviter qu’il ne soit attaqué par le hiochi kin, un champignon parasite. Il est ensuite mis dans des fûts en émail afin que le parfum et le goût s’élaborent et que le saké s’arrondisse. C’est pendant ce repos que le degré d’alcool est abaissé à 14-16° par l’ajout d’eau.
Quelques conseils pratiques
Quand dois-je le consommer ?
« Le saké se consomme l’année de sa production car plus on attend plus il perd ses saveurs. »
Comment dois-je conserver les bouteilles ?
« Les bouteilles de sakés doivent être conservées debout, à l’abri de la lumière et à température constante (idéalement dans un frigo à 6°). Une bouteille préalablement ouverte peut être conservée quelques semaines si celle-ci est fermée hermétiquement. »
Comment savoir quel est le degré de polissage ?
« Le pourcentage mentionné sur l’étiquette représente le pourcentage restant par rapport à son poids initial. Par exemple : si l’étiquette indiqué un seimaibuai (taux de polissage) de 40%, cela signifie que le riz a perdu 60% de son poids au terme du polissage. »
Une cuisine gastronomique et les sakés de Niigata
A l’occasion de cette soirée, Guy Martin et la fondation N.I.C.O ont mis à l’honneur 5 sakés dans des accords gastronomiques.
Maison Ikkoku. Sa robe est transparente. Des notes d’agrumes et plus spécifiquement de yuzu et de citron vert annoncent la complexité et la finesse de ce saké. En bouche, le yuzu apporte de la fraîcheur qui s’entremêle aux arômes chocolatés. Le chef Guy Martin a choisi de l’accorder avec un succulent tartare de bar. Il ouvre les festivités car ce saké à la faculté d’éveiller les papilles, parfait pour un début de repas.
Maison Gensen Uméshu. Sa robe est brune aux reflets légèrement dorés. Son nez est franc et dévoile des notes d’arômes grillées, d’amande douce et de pruneaux. En bouche, il est fidèle à ce qu’il annonce. Ses notes sont à la fois franches et fraîches. Le chef a choisit de l’accorder avec un foie gras de canard onctueux accompagné de condiment tomate-concombre et d’amandes grillées. Il met en appétit.
Maison Hizoshu. Sa robe est transparente, ses larmes sont brillantes, son nez puissant révèle des notes de torréfaction. En bouche, son attaque franche dévoile des arômes d’agrumes. Son corps est gras, son final est long et fin. Ce saké est d’une surprenante complexité. Le chef a choisi, en l’accompagnant d’un carpaccio d’ananas, mangue et fruits de la passion, d’apporter de la fraîcheur afin de sublimer sa puissance.
Maison Hokusétsu Uméshu. Sa couleur est celle du blé, ses larmes sont fines. Son nez dévoile des arômes de pruneaux, d’amande amère et de mangue. Sa bouche offre les mêmes saveurs gourmandes, délicates et salivantes. Pour l’accompagner; le chef a choisi le traditionnel far breton.
Maison Daiginjyo. Sa robe est transparente et ses larmes sont fines et brillantes. Son premier nez dévoile des notes d’agrumes, de pamplemousse, des notes de fruits bien mûrs et de citron vert. Son deuxième nez offre une sensation plus fraîche de menthe. En bouche, il est à la fois tonique et rafraîchissant, la menthe titille nos papilles. Le chef Guy Martin a fait le choix de l’associer à une crème brûlée d’artichaut onctueuse et de fenouil confit.
Les sakés d’une telle finesse méritaient une cuisine raffinée et élégante. Le chef Guy Martin a su ravir nos papilles en association la complexité de la gastronomie française à l’excellence des sakés de Niigata. Quelle belle découverte !
// Florence Dupin