Après les prestations remarquées d’Anne-Sophie Pic et de Carole Bouquet, Xavier Toutain et François-Xavier Demaison ou encore le passage controversé de Frédérick e. Grasser Hermé en robe de crépinette de porc accompagnée de François Berléand, c’était au tour d’Alain Passard et Guillaume Gallienne d’inspirer les spectateurs venus assister au Paris des Chefs 2012 à ces duos de création en live.
A peine arrivés sur scène les deux hommes semblent déjà complices. Et pour cause, le comédien est un familier depuis son enfance du restaurant parisien et compte parmi les habitués de l’Arpège. Ayant fait le pari de la « cuisine légumière » depuis 2001, Alain Passard dit « cultiver l’art du beau geste ». Estimant être allé au bout de la cuisine à base de viande, il décide de retrouver le « racinaire » au fil des saisons grâce à ses jardiniers qui s’occupent de ses trois potagers aux sols très différents à Fillé sur Sarthe, Porteaux et Bois Giroult. Véritable palette de couleurs, les topinambours panais, potimarrons, salsifis, rutabagas et navets d’hiver s’étaient donc donné rendez-vous sur la scène du duo. Ce jour là, carottes et navets avaient les honneurs du public.
Le Chef entame la préparation d’une fricassée de légumes – « aujourd’hui ce sera jaune » – tandis que Guillaume Gallienne suggère quelques touches de couleurs supplémentaires. Scène surréaliste, les deux hommes épluchent ensemble les carottes sur scène. Les créations légumières du Chef se veulent des « bouquets de fleurs » dont il réfléchit à la forme afin de les rapprocher d’une peinture. Son sens esthétique s’est d’ailleurs exprimé dans la publication d’un livre de collage illustrant ces alliances. Pas besoin de goûter, ajoute-t-il, c’est déjà « un livre de cuisine écrit par la nature ». Se qualifiant lui-même de « rôtisseur », le Alain Passard applique ces techniques à ses légumes chéris ; le passage du froid au chaud se veut sensuel et apporte en permanence de la surprise. Il cuisine et manie ses légumes avec des gants en latex pour plus de sensations : « c’est une forme de respect envers les légumes ». En les laissant tomber dans la grande poêle, il veille à leur laisser « un espace de confort ». Cuits à pleins feux, la matière grasse ne rejoindra les légumes que plus tard…
Mais c’est surtout la complicité entre les deux hommes et les remarques humoristiques de Guillaume Gallienne qui ont séduit le public. Ainsi le comédien qui reconnaît que cette cuisine n’appelle pas forcément le vin, conseillera aux amateurs qui ne seraient pas au rendez-vous de cette démarche « de s’acheter un palais ». De la source de création au potentiel créatif, les deux hommes ont fait forte impression devant un public tout sourire, fasciné par cette dialectique du légume si chère au Chef Alain Passard.
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