Le Mojito est un des cocktails les plus servis sur notre belle planète verte et ceci est sa surprenante histoire…
Surprenante parce que cette histoire commence par « il était une fois l’esclavage et le pillage des Caraïbes » et finit par « ils se marièrent et firent de beaux et nombreux cocktails mentholés » !
Et c’est aussi cette histoire qui fait du Mojito un cocktail véritablement unique. Le Mojito est indéniablement tendance dans les bars du monde entier (peut-être à l’exception de Cuba) mais ses origines sont loin d’être tendances… Comme pour tous les cocktails, nombreuses sont les légendes qui entourent le Mojito qui, selon nos amis les passionnés mixolo-historiens, aurait été inventé à la fin du 19ème siècle à la Havane avant de devenir populaire au début des années 1930.
Une boisson similaire aurait également été créée vers la fin des années 1500. La légende raconte que Richard Drake, un pirate anglais, aurait concocté une boisson combinant aguardiente (un rhum non raffiné), sucre, citron vert et menthe, qu’il nomma « El Draque » (le dragon) en l’honneur de son capitaine, Sir Francis Drake, qui construisit sa réputation en terrorisant les indigènes d’Amérique du Sud et des Caraïbes. Cuba était la base principale de Drake, ce qui expliquerait comment la boisson y serait apparue. Le cocktail « El Draque » est également commun dans d’autres pays d’Amérique Latine tels que le Mexique, la Colombie et le Venezuela, pays qui furent tous victimes de violents pillages de la part de Drake et sa horde de pirates.
Certains historiens préfèrent une légende fort différente (et contée en chuchotant…) suggérant que le Mojito aurait été inventé par des esclaves travaillant dans des champs de canne à sucre cubains. Par ailleurs il semble y avoir confusion, voire même assimilation, entre cette légende et l’histoire du Daiquiri, célèbre cocktail cubain à base de rhum, jus de citron vert et sucre, créé à Daiquiri, une plage près de Santiago de Cuba.
Il est clair néanmoins que les esclaves africains influencèrent l’histoire du Mojito et plus particulièrement l’histoire du « guarapo » (jus de sucre de cane), nectar sucré essentiel au goût du Mojito. En effet, à l’origine, les espagnols appelaient ce nectar ou sirop « jarabe », interprété par les esclaves africains « garapa », mot qui fut alors dérivé en « guarapo » par les cubains pour décrire le jus de sucre de canne.
Outre ces dérivations linguistiques, les esclaves africains consommaient le guarapo en mémoire d’une boisson africaine alliant jus de maïs et nectar de yucca, et buvaient également de l’aguardiente afin de s’échapper, d’oublier temporairement leur condition. Ainsi, il est probable qu’ils aient été les premiers à mélanger guarapo et aguardiente.
Il est important de noter que le guarapo est l’ancêtre du rhum, alcool distillé à partir de jus de sucre de canne. Puisque la canne à sucre (et par conséquent le rhum) était disponible en grande quantité a Cuba, l’île devint rapidement célèbre pour ses boissons sucrées à base de rhum (comme le Daiquiri). D’ailleurs, le Daiquiri fut populaire à la Havane bien avant le Mojito.
Parce que le Daiquiri combine rhum, jus de citron vert, sucre et glace, certains de nos amis historiens sceptiques suggèrent que le Mojito ne serait qu’une variante, une évolution du Daiquiri. Je leur réponds en criant : « Non, oh non ! ». Bien que les ingrédients de ces deux fabuleuses boissons soient similaires, leurs modes de préparation diffèrent largement !
Les traces écrites les plus anciennes du Mojito peuvent être trouvées dans les éditions de 1931 et 1936 du livre de recette Sloppy Joe’s Bar Manual. En 1942, Angel Martinez ouvrait La Bodeguita del Medio, un magasin qu’il convertissait en restaurant et bar en 1946 ou le Mojito devint célèbre à la Havane pour la toute première fois. La Bodeguita del Medio comptaient parmi ses habitués des célébrités telles que Brigitte Bardot (jeune), Ernest Hemingway et Nat King Cole.
Le Mojito fut rapidement exporté vers les Etats-Unis et notamment Miami o๠il atteint un niveau de popularité sans pareil, puis New York et San Francisco. Dans les années 1990, le Mojito rejoignait finalement nos frontières républicaines grâce à l’importation de la cuisine tex-mex…
… Ils firent de beaux et nombreux cocktails mentholés.
Sur ces quelques mots d’histoires, je vous propose une variation intéressante que j’ai récemment créée pour le Banyan Tree, bar qui ouvrira bientôt ses portes à Manchester, le Banyan Mojito dont voici la recette.
Placez la moitié d’un citron vert coupé en petits morceaux et une cuillère à café de sucre roux au fond d’un verre long. A l’aide d’un pilon, écrasez afin d’extraire le jus de citron vert et de dissoudre le sucre. Ajoutez 6 à 8 feuilles de menthe fraîche et écrasez à nouveau. Remplissez le verre de glace pilée. Ajoutez 25ml de rhum blanc et 25ml de Disaronno (ou autre Amaretto), Remuez à l’aide d’une cuillère et ajoutez du jus de pommes pressées. En guise de décoration, ajoutez un quartier de citron vert et 3 fines tranches de pomme. Dégustez avec modération, comme toujours, en accompagnement de viandes et légumes grillés.
Salud ! Arriba, abajo, al centro, para adentro !
Quentin El-Bez
www.juicyshoot.com
Photographie © Laura Dronsfield
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