Les thèmes abordés cette année au Bar Convent Berlin ont été variés, mais un sujet a particulièrement retenu l’attention : le No and Low, ou « no alc » comme le désignent les anglophones. La tendance des boissons sans ou à faible teneur en alcool s’affirme en effet comme l’une des plus marquantes de l’industrie. Ce marché est en pleine expansion, avec de nombreuses marques traditionnelles qui se lancent dans des versions allégées ou sans alcool de leurs produits emblématiques.

Une masterclass captivante a réuni des experts pour explorer cette tendance. Parmi eux, Spiros Malandrakis, responsable de la recherche sur les boissons alcoolisées chez Euromonitor, Raphael Vollmar, PDG et co-fondateur de Rheinland Distillers, ainsi que Camille Vidal, fondatrice de La Maison Wellness.


Points clés à retenir :

  • Depuis les Baby Boomers en passant par la Génération X et les Milléniaux, la consommation de boissons alcoolisées est en déclin.
  • La Génération Z se montre particulièrement encline à adopter des modes de vie plus sains, marquant une rupture avec les habitudes de consommation des générations précédentes.
  • Avec ces nouvelles attentes, les consommateurs actuels et futurs exigent des alternatives adaptées, obligeant l’industrie à évoluer pour répondre à cette réalité.

La perception du No & Low chez les consommateurs

Dans le secteur de l’hospitalité, certaines tendances naissent du travail des bartenders, tandis que d’autres sont impulsées par les attentes des consommateurs eux-mêmes – la tendance vers la modération semble ainsi principalement guidée par ces derniers. Bien que certains bartenders choisissent la sobriété partielle ou totale, cette orientation n’est pas toujours inhérente à leur parcours en rejoignant l’industrie de l’alcool. Par ailleurs, la modération est souvent dictée non seulement par un choix personnel, mais aussi par des contraintes.

À titre d’exemple, lorsque l’épouse de Raphael Vollmar, co-fondateur de Rheinland Distillers, est tombée enceinte, elle a exprimé le souhait de continuer à savourer son G&T quotidien, mais sans alcool. Cette demande a révélé à Raphael les défis liés à la création d’un gin sans alcool. La production de ces boissons nécessite des investissements en recherche et développement, tandis que les marges bénéficiaires restent généralement inférieures à celles des spiritueux traditionnels. Ainsi, malgré l’essor des spiritueux sans alcool, la majorité de ces produits reste haut de gamme, un positionnement qui rend parfois le prix difficile à justifier pour les consommateurs. En outre, les débuts des boissons sans alcool sur le marché ont été marqués par des formulations très sucrées, suscitant une méfiance initiale parmi les consommateurs.

Selon Camille Vidal, il est crucial de rétablir la confiance entre ces derniers et l’industrie. Pour cela, les bartenders doivent être formés aux spécificités des boissons sans alcool afin d’offrir des mocktails de qualité comparable aux cocktails classiques. La perception négative des spiritueux sans alcool provient également de leur désignation, le terme « sans » étant souvent associé à des substituts moins attractifs. Une solution pour changer cette image pourrait être de développer des boissons aux saveurs totalement nouvelles, au lieu de simples imitations d’alcools classiques, dont les résultats peuvent parfois décevoir. Une autre piste intéressante réside dans l’exploration des « functional drinks », des boissons ayant des effets bénéfiques autres que l’ébriété, tout en restant plus saines.

Une troisième vague de consommation d’alcool : vers une modération consciente

Depuis le siècle dernier, notre rapport à l’alcool a évolué, passant d’une période de consommation excessive à l’ère de la prohibition (notamment aux États-Unis), pour arriver aujourd’hui à une consommation plus consciente et modérée. Ce changement s’aligne avec les préoccupations actuelles pour la santé, le bien-être et l’image projetée sur les réseaux sociaux.

Une approche prometteuse dans ce contexte est le « zebra striping », une alternance entre boissons alcoolisées et sans alcool. Cette pratique pourrait devenir un modèle populaire, permettant aux consommateurs de maintenir une ambiance conviviale au bar sans sacrifier leur santé. Pour les établissements, cela offre une solution pour fidéliser leur clientèle sans perte de chiffre d’affaires. En proposant une carte enrichie de mocktails de qualité, les bars peuvent ainsi répondre aux besoins d’une clientèle diverse, permettant un passage fluide entre les boissons avec et sans alcool.

L’acquisition de Seedlip par Diageo a largement contribué à la popularisation du mouvement No and Low, et les grandes marques continuent d’investir pour le faire croître, bien que ce marché reste encore relativement confidentiel. Cette évolution ne sonne pas la fin des bars, mais marque plutôt une transformation nécessaire pour toucher une clientèle souhaitant profiter de l’aspect social de ces lieux tout en limitant leur consommation d’alcool.

Les bartenders jouent un rôle central dans cette transition, en adaptant leurs talents de mixologistes à la création de boissons sans alcool attractives et savoureuses. La récente offre de boissons sans alcool abordables par la chaine de Hard Discount Aldi, par exemple, est un signe clair de l’expansion de ce secteur et de la réponse aux attentes croissantes des consommateurs.

Le secteur est donc en pleine mutation, avec une approche plus flexible et inclusive de la consommation, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles expériences de dégustation en phase avec les valeurs et modes de vie actuels.