C’est sous un soleil magnifique que débute la deuxième journée de dégustation des Primeurs 2010 dans le Médoc. Située au nord ouest de Bordeaux et longeant l’estuaire de la Gironde, c’est la région qui abrite les célèbres appellations de Margaux, St Julien, Pauillac et St Estèphe. On dit souvent que les vins de Margaux sont « féminins », ceux de Pauillac « masculins » et les St Julien « un juste mélange entre les deux ».
Il y a déjà foule à Margaux au Château Lascombes pour la première dégustation organisée par l’Union des Grands Crus qui rassemble les vins du fameux classement de 1855. De nombreux dégustateurs étrangers, asiatiques notamment, sont présents, ordinateurs portables et iPad posés aux coins des tables, Blackberry et autres calés au creux de la main, c’est du sérieux Il faut se frayer un chemin pour dégoter quelques gouttes du millésime à décrypter ; des tanins plus fondus, moins d’alcool que mes dégustations de la veille. L’appellation est très homogène dans la qualité, le cabernet sauvignon particulièrement réussi, l’élégance des Margaux semble à son apogée. Serait-ce le moment d’investir pour rêver dans sa cave ou léguer de belles bouteilles à ses petits enfants ? Néanmoins, il est indéniable que les progrès techniques des équipes dans les chais nous offrent une dégustation de grande qualité et encore une fois une merveilleuse expression du terroir de l’appellation.
Château Lascombes
Autant l’avouer tout de suite, je voue une passion immodérée pour le Château Brane-Cantenac. Avec ses arômes de vieilles roses et son étiquette dorée à la James Bond, je suis fan des vins d’Henri Lurton, classé parmi mes favoris et coups de cœurs ainsi que l’élégant Château Rauzan Ségla.
Château Brane-Cantenac 2010, Margaux
La journée marathon continue un peu plus au nord du Médoc, à l’entrée de St Julien, au Château Branaire-Ducru o๠se dégustent les vins de l’appellation ; Pauillac et St Estèphe. C’est une ambiance complètement différente : farniente au soleil, les dégustateurs sont lovés dans des transats installés dans la cour près des vignes, bercés par un groupe de jazz qui anime le déjeuner sous une tente un peu plus loin, on n’a plus guère envie de travailler…
Château Branaire-Ducru
Mais enjouée par ma découverte des Margaux, je suis curieuse de déguster le reste des Crus du Médoc. Là encore une dégustation de grande qualité, homogène, avec une maturité exceptionnelle, classique dans la structure mais d’une grande fraicheur avec de superbes tannins alliés à une acidité qui donneront puissance, élégance et capacité de garde à ces grands Bordeaux. Coup de coeur pour le vin de notre hôte, le Château Branaire-Ducru mais aussi les deux Léoville, Las Cases et Poyferré, Château Lagrange sur la même appellation, le Château Phélan Ségur pour St Estèphe ainsi que le Château d’Armailhac à Pauillac. Il est enfin temps de déjeuner -ou plutôt grignoter- car même si la musique est toujours là , il ne reste plus rien du buffet. Mais Patrick Maroteaux, ex-président de l’Union des grands Crus sait recevoir et nous nous retrouvons finalement sagement posés près de l’Orangerie à siroter du Branaire 2005 à une table d’importateurs chinois.
Quelques bouteilles de Château Branaire-Ducru
Mais on ne traine pas pendant les Primeurs, les vins liquoreux de Sauternes et Barsac nous attendent au Château Desmirail. Denis Dubourdieu, le Pape des vins blancs à Bordeaux avoue avoir eu beaucoup de chance en tant que producteur du Sauternais toute cette dernière décennie puisque ce ne fut qu’un « enchainement d’années exceptionnelles ». Il est vrai que cette année une fois encore, entre équilibre aromatique et acidité, c’est de véritables bonbons qui sont proposés à la dégustation. Une explosion de chèvrefeuille, fleurs blanches, abricots secs, marmelade d’orange et arômes exotiques : un délice à croquer ! C’est Noël avant l’heure avec ces bouteilles emmaillotées dans un papier doré comme des papillotes avec des coups de coeur pour le Château Doisy Daëne, Château Rieussec et Château Haut Peyraguey. Sauternes serait-elle l’appellation à la mode ? C’est la question que l’on se pose avec les rumeurs d’agrandissement du vignoble de Château Rieussec et Haut-Brion à la recherche d’un Premier Cru à racheter dans l’appellation.
Château Desmirail
Croisé ce jour dans la foule, le nouveau meilleur sommelier de France 2011 Benjamin Roffet est venu s’exercer le palais avant l’épreuve des MOF en mai prochain. Force est de constater que ces Primeurs 2010 marquent le retour des dégustateurs américains dont les stocks n’étaient pas encore écoulés l’année dernière et l’arrivée en force des dégustateurs chinois attirés par les échos du millésime. De plus en plus nombreux à explorer le vignoble, découvrir les vins pour les acheter, même si ce type d’acquisition par anticipation n’est pas dans la culture chinoise, la question du prix d’achat dans les prochaines semaines reste primordiale. A suivre lors de la dernière dégustations des Primeurs 2010 à St Emilion.
Hélène Worldwide
