A l’approche des fêtes de fin d’année, Jacques Barthouil de la célèbre maison de Peyrorade nous confie quelques secrets sur l’un des mets le plus prisé des fêtes.
L’origine de la maison J. Barthouil
Mon père a créé l’entreprise de foie gras en 1929, c’est traditionnel autour de Jurançon. Comme nous sommes prêt de la rivière de l’Adour qui passe à Pau, la plus grande rivière à saumon en France et la dernière où la pêche est encore traditionnelle, il s’est mis à fumer des saumons en 1939. On a donc deux métiers avec le saumon et le foie gras.
Pour le saumon, nous avons appris à le fumer chez les Danois. Il fallait se professionnaliser donc mon père a envoyé le chef après la guerre au Danemark pour apprendre leur savoir-faire. Dans notre pays, on confit tout d’une année sur l’autre pour conserver les viandes, le foie gras, le canard, le porc, les saucisses… Là on a appris le fumage « en suspens » ; une vieille façon de fumer d’avant-guerre : tous les gestes que l’on fait actuellement sont ceux des années 50 nous sommes les derniers à fumer notre saumon à l’ancienne. Les fumoirs sont d’époque, construits d’après les plans ramenés du Danemark et fumés avec du bois d’aulne, le même type qu’utilisé là bas. Il y en a partout en Europe autour des rivières mais n’est utilisé que pour les sabots, un sabotier de chez nous nous fournit les copeaux depuis 1948, c’est très familial tout ça.
La spécificité des saumons Barthouil
Tous nos saumons sont fumés de la même façon avec l’affinoir danois et la sciure d’aulne mais depuis 1939 on ne fume pas que des saumons de l’Adour. Entre le saumon sauvage et le saumon d’élevage que l’on fait en bio à 20%, on fume aussi tous les saumons sauvages de l’Atlantique. Je vous rappelle que le saumon ne nait que dans l’Atlantique, celui qui vient du Pacifique ne devrait pas s’appeler saumon. C’est la même différence qu’entre un hareng et une sardine, la même grande famille mais deux noms différents : le Salmo Salar est le poisson de l’Atlantique Nord et dans le Pacifique çela s’apelle Coho, King, Red King, etc.
On fume tous les saumons sauvages de l’Atlantique, Baltique, Ecosse et de l’Adour. Dans mon métier il faut être passionné, je vais être un peu chauvin le saumon de l’Adour est le meilleur. Evidemment l’écossais va défendre le sien, les pays de la Baltiques vont défendre le leur mais celui de l’Adour, c’est un saumon qui nait dans la rivière puis traverse l’Atlantique pour se rendre dans la mer entre le Canada et le Groënland. Donc il fait tout le tour, remonte la France, l’Angleterre, I’Irlande, l’Islande, il traverse l’Atlantique et va vivre côté Canada. Après il retraverse pour revenir frayer dans la rivière où il est né, il faut la retrouver quand même. Il va rester plusieurs mois dans la rivière selon sa taille –4 à 10 mois- sans manger donc il se gave à l’entrée de la rivière pour accumuler des réserves. Un animal sportif qui a fait du muscle a adouci son goût avec du gras. C’est pour ça que le bœuf gras est meilleur qu’une vache maigre, comme le cochon noir d’Espagne, c’est bon parce que ça a du gras.
Le saumon n’est pas bon pêché en mer parce que c’est maigre. J’en ai encore eu la preuve cet hiver avec un pêcheur qui m’a apporté un saumon phénoménalement bon pêché au filet devant chez moi. Mes filles l’ont tout simplement fait en darne grillé et c’était à tomber. Je suis content que mes filles dont l’une travaille dans l’entreprise aient ça dans la tête. Toute leur vie elles auront ce goût là, voilà mon métier.
Comment aimez-vous le saumon ?
Je le préfère nature et je n’ai pas une passion pour le citron dessus, je le dis franchement. Il y a des gens qui aiment c’est comme les huitres, moi je n’en mets pas mais je ne vais pas les critiquer. On peut mettre un tour de moulin à poivre pour ré-hausser le côté fumé parce qu’on fume beaucoup moins qu’autrefois. Les goûts ont changé, il faut s’adapter sans perdre son âme. Quand j’étais jeune, mon saumon voyageait 48h par train en plein cagnard l’été pour aller en Alsace et là bas ils le gardaient un mois sans frigo, je peux vous dire que c’était salé et fumé. C’était fait pour être conservé tandis que maintenant ça n’est fait que pour le goût. On a beaucoup baissé en sel et en fumé. Notre fumée, il n’y a rien à faire je l’aime beaucoup. Les autres fument le hêtre, c’est très bien le hêtre mais c’est un peu comme le citron ça a un coté acide. Il y a des gens qui adorent, je le comprends c’est aussi bon que l’aulne, mais nous on est dans l’accompagnement avec une fumée douce.
Un vin du Jurançon pour l’accompagner ?
Je le déguste avec des vins de Charles Hours parce qu’il fait très bien, c’est un très gentil garçon et un monsieur phénoménal ou bien Henri Ramonteu : un peu plus mince, un peu plus grand, un peu plus rugby. Si vous allez vers des produits un peu plus gras comme le tarama, il faudra de la vodka.
// HC