Une journée de novembre, le Père Erik nous reçoit dans son église, à Grimbergen. Ce petit village des Flandres, au Nord de Bruxelles, compte toujours en ses lieux les chanoines qui ont inventé la bière éponyme. Même si cette dernière n’est plus brassée sur place, son histoire est riche et les pères sont toujours investis dans la conception des nouvelles recettes : petit tour d’horizon de l’héritage méconnu de Grimbergen.
Ordre de Prémontré
L’origine de Grimbergen vient de l’Ordre de Prémontré, fondé par Saint Norbert de Xanten (1080-1134). Ce dernier construit la première Abbaye -au style Romane- en 1128 et sera incendiée lors d’un conflit en 1142 puis de nouveau en 1566. Les Pères Prémontrés reviennent en 1585 et entreprennent la reconstruction de l’Abbaye au style baroque triomphaliste dans laquelle sera intégrée la brasserie, nous sommes en 1629.
Prémisse d’un breuvage houblonné
En cette période de la fin du Moyen-Âge, l’eau pouvait souvent avoir des bactéries : elle était alors bouillie et les Pères utilisaient le Gruyt, savant mélange de plantes aromatiques (composé en autres de sauge, de cubèbe, d’armoise, d’angélique officinale et de chardon béni) cultivées dans les jardins de l’Abbaye. Plus tard, pendant la période faste du XVIIIe siècle, l’Ordre des chanoines réguliers de Prémontré ajoutait à l’eau du grain et/ou du houblon pour l’assainir. Ce sont les prémisses de la bière. Les Moines en avaient d’ailleurs plusieurs types, notamment à Pâques avec un degré alcoolique plus élevé. Aussi, à cette époque, les brasseries d’Abbaye ne payaient pas de taxes (contrairement aux brasseries laïques), ils pouvaient donc utiliser des matières premières de meilleure qualité : on appelait ces bières « double » pour « double qualité ».
Le Phœnix
Toute l’histoire des Prémontrés montre leur ténacité : les chanoines ont relancé à plusieurs reprises la vie monastique à Grimbergen, l’Abbaye ayant été détruite à maintes reprises, notamment par le feu, et sut à chaque fois renaitre de ses cendres. Depuis 1629, le phœnix est l’emblème de l’Abbaye, et de la bière par la suite, avec sa devise en latin « Ardet Nec Consumitur » qui signifie « brûle mais ne se consume pas ».
Brassage laïque… avec l’approbation des Pères
La production de la bière Grimbergen a réellement repris en 1957, à la veille de l’exposition universelle belge, lorsque que la brasserie laïque de Malines, la Brasserie Maes, a demandé l’utilisation du nom « Grimbergen » afin de compléter sa gamme principalement constituée de pils. Même si aujourd’hui Grimbergen appartient au groupe Carlsberg, l’Abbaye de Grimbergen, qui compte une communauté d’une quinzaine de chanoines avec à sa tête l’Abbé Erik De Sutter, goûte et valide l’ensemble des nouveaux produits de la marque comme leur dernière innovation : Grimbergen Héritage de l’Abbaye, bière de… Gruyt.