Autrefois site de production, la tour de Gâtebourse a rouvert ses portes pour accueillir la Fondation d’entreprise Martell. Un lieu permettant aux artistes d’exprimer l’étendue de leur savoir-faire, et à la maison de cognac de rappeler son engagement dans la région.
En 2022, la Fondation d’entreprise Martell devrait avoir achevé de prendre ses quartiers dans la tour de Gâtebourse, qui domine Cognac du haut de ses vingt-huit mètres. A terme, les 3200 mètres carrés du bâtiment seront réaménagés comme un ensemble de plateaux créatifs amenés à se compléter et à communiquer entre eux. Accessibles depuis l’été 2018, le rez-de-chaussée, dont l’entrée est marquée par un majestueux passage en chêne – chaque pièce a été cintrée à la main – et le toit-terrasse ont permis aux visiteurs d’appréhender les spécificités du bâtiment, avant l’ouverture, en 2019, du 1er étage et de ses Ateliers du faire dédiés aux productions, résidences croisées d’artistes, designers et artisans d’art. De quoi envisager le devenir futur du lieu, consacré l’ensemble des créations contemporaines, des savoirs et du faire.
Créée en 2016 à l’initiative de la maison de cognac et dirigée depuis janvier 2017 par Nathalie Viot, historienne de l’art, commissaire d’exposition et critique d’art, la fondation entend proposer de nouvelles expériences en matière de production artistique, de recherche et de médiation. Cette démarche s’incarne par des achats d’usage, destinés à équiper la fondation au sens fonctionnel du terme. Pour les Ateliers du faire, le designer Guillaume Bardet a conçu en 2019 La Cène, un ensemble d’« objets-croquis » coulés dans du bronze. « Avec le bronze, j’ai retrouvé la force du marbre, sa masse, son poids, en même temps que la facilité d’exécution propre à la céramique, grâce à la cire dans laquelle s’inventent les formes. Le bronze est une épiphanie de la terre et du marbre », explique-t-il. L’année précédente, Nathalie Talec avait conçu Shine a Light, en collaboration avec le Craft de Limoges. Cette sculpture lumineuse monumentale, inspirée de modèles antiques de vases à boire, orne l’accueil du bâtiment au moyen d’un jeu de formes et de figures en céramique et en verre.
Des installations remarquées
Depuis son lancement, la Fondation d’entreprise Martell a pris au vif ses visiteurs avec, dernièrement, en Juin 2020 l’exposition Places to be, réunissant 14 designers internationaux autour d’un projet commun : créer un lieu unique d’habitation, constitué de pièces de vie conçues par chacun d’entre eux.
Avant elle l’espace a accueilli L’Ombre de la vapeur, la troisième installation in situ du lieu, et la première conçue sur un espace aussi vaste pour la compagnie lyonnaise Adrien M & Claire B (Adrien Mondot et Claire Bardainne), spécialisée dans la recherche et la création en arts vivants et visuels. Lors de la saison 2019, le rez-de-chaussée de la tour, dédié aux commandes artistiques, a ainsi été équipé de 13 ordinateurs, 31 vidéoprojecteurs, 570 mètres carrés de voile métallique constituant des nuages (avec 300 mètres linéaires de couture à la main) et 350 000 particules interactives. Une œuvre ponctuée d’une création sonore signée Olivier Mellano organisée autour d’un grand continuum d’images générées et animées en temps réel par des ordinateurs synchronisés, contrôlant les caméras infrarouges permettant de réaliser des interactions avec les visiteurs.
Entre juin 2017 et mars 2019, le Pavillon Martell de SelgasCano a occupé 1340 mètres carrés de la cour pavée du bâtiment – il s’agissait du premier projet en France des architectes espagnols José Selgas et Lucía Cano. Ce pavillon extérieur, pouvant être réutilisé et réagencé, a abrité des défilés, des concerts, des marchés, des conférences et offert un lieu inédit de déambulation, tout en illustrant la transversalité des technologies, des usages et des matériaux, un thème cher à la Fondation. Une partie a été conservée sur place, le reste de l’installation étant amené à connaître une seconde vie hors de la tour de Gâtebourse. A l’ouverture des locaux, Par nature, signée Vincent Lamouroux, a permis d’immerger, entre octobre 2016 et mars 2017, les visiteurs au sein d’un îlot de 31 plantes exotiques (replantées par la suite) et de 211 mètres cubes de sable sur 600 mètres carrés, afin de donner naissance à un paysage minéral et végétal constitué de dunes et de passerelles entre les colonnes du bâtiment.
La renaissance d’un lieu emblématique de Cognac
Une façon également d’inviter à la découverte d’un espace longtemps connu des cognaçais uniquement de l’extérieur. Avant d’inviter à la découverte de l’art et des plaisirs de la dégustation (avec un espace dédié sur le toit-terrasse), la tour de Gâtebourse, construite dans un style Bauhaus et inaugurée en 1929, a accueilli jusqu’en 2005 les lignes d’embouteillage de la Maison Martell, par la suite transférées dans la nouvelle usine de Lignères, à Rouillac. Jean Martell avait acquis en 1750 la première parcelle du site, ensuite étendu à plusieurs reprises. Présenté en 2014-2015, le projet de requalification du Clos de Gâtebourse, dessiné par le cabinet bordelais d’architectes Brochet Lajus Pueyo (musées de l’Homme et de l’Orangerie à Paris, musée Fabre à Montpellier…) a été engagé dans une démarche Haute Qualité Environnementale.
Après la destruction de locaux industriels désaffectés, de larges espaces paysagers ont été aménagés afin de redessiner l’aspect esthétique global du site. Des percées ont été réalisées dans la tour. Un chantier monumental, dont le déroulé peut être retracé sur le site de la Fondation, qui a permis de redonner au bâtiment une capacité de production désormais incarnée par l’art. In fine, le deuxième étage constituera une invitation au savoir grâce à un ensemble de boîtes digitales et multisensorielles (avec des bulles de consultation) ; le troisième étage, doté de terrasses, permettra d’accueillir des événements ; tandis que le quatrième étage, où sont logés les bureaux, sera doté d’un centre de ressources et des ateliers pour les enfants, conçus comme des espaces de travail ouverts et accueillants. La programmation, organisée autour du spectacle vivant, d’œuvres graphiques ou de rencontres culturelles, fera office de liant entre les différents plateaux.
Résolument ancrée dans le développement culturel de son environnement (la ville de Cognac, l’agglomération du Grand Cognac, les départements de la Charente et de la Charente-Maritime et la région Nouvelle-Aquitaine), la Fondation d’entreprise Martell s’est par ailleurs associée en 2019 à l’Ecole européenne supérieure de l’image. Présent à Angoulême et Poitiers, l’établissement, qui forme au Diplôme national d’arts, décerne chaque année un prix à un auteur-artiste singulier ou à une structure en devenir. L’an dernier, Yvan Guillo, aussi appelé Samplerman, du nom d’une figure issue d’une bande dessinée alternative, a été récompensé pour ses travaux consistant notamment à détourer et recomposer des pages de comics mainstream des années 1950. En plus de la dotation qu’elle a accordé, la Fondation d’entreprise Martell s’est engagée à afficher les travaux récompensés. Une belle façon de continuer à élargir son champ d’action.
Article réalisé en collaboration avec Martell