Le hard seltzer connaît un succès indéniable aux Etats-Unis depuis ces deux dernières années. Cette boisson débarque tout juste en Europe – d’abord au Royaume-Uni – et le phénomène arrive aussi en France ! Coup de projecteur sur cette catégorie encore peu connue dans l’Hexagone.
Le hard seltzer c’est quoi ?
Pour résumer, il existe deux process différents pour produire un hard seltzer :
- Le premier process, le plus répandu, réside dans un savant mélange d’eau et de sucre fermentescible que l’on va rapidement bouillir puis fermenter.
- Le second process se contente de mélanger de l’alcool éthylique avec de l’eau. Et oui, c’est aussi simple que cela !
À l’un de ces mélanges, ajoutez des arômes, sinon, vous n’avez pas de goût, et vous obtiendrez un hard seltzer aromatisé. Le résultat ? Une eau pétillante peu alcoolisée – la boisson titre souvent aux alentours de 5% d’alcool – et systématiquement aromatisée. Gustativement, le hard seltzer ressemble donc à une Badoit ou un Perrier aromatisé, sans que l’alcool soit perceptible… autant dire une expérience gustative proche du néant.
Qui consomme des hard seltzers ?
Bien que personne n’en avait émis le besoin, nos amis du marketing et responsables des ventes n’en démordent pas et nous présentent le hard seltzer comme une solution révolutionnaire : la boisson alcoolisée la moins calorique du marché ! (bien évidemment en omettant que l’alcool par nature est calorique). Le discours est assez clair : “Zero Fat”, “Gluten Free”, “Vegan”… une boisson dans l’air du temps, un produit qui s’adresse donc à des personnes soucieuses de garder la ligne, de conserver une alimentation saine mais tout en s’empoisonnant avec de l’alcool. Logique non ?
Le hard seltzer, un produit star aux USA
Le hard seltzer n’est pas une bière – de part son processus de fabrication et sa simplicité – mais c’est bien dans ce rayon que la boisson s’est installée. Et pour cause, ce sont principalement ces mêmes brasseries qui produisent les hard seltzers car elles avaient déjà le matériel nécessaire : les cuves pour réaliser le mélange, l’ébullition et la fermentation, sans oublier les lignes d’encannetage.
Le hard seltzer, de part ses matières premières (eau, sirop de sucre de canne ou de maïs, et levure), est un produit peu onéreux à produire et qui peut rapporter in extenso beaucoup. Sur un marché très concurrentiel qui commence déjà à se stabiliser, produire du hard seltzer, même si cela ne met pas en valeur un quelconque savoir-faire, c’est rentable et utile pour assurer une certaine santé financière pour ces sociétés américaines. Rappelons qu’en période de crise sanitaire, un euro est un euro… Le besoin a été introduit par les industriels et les brasseries craft (artisanales dans le texte) ont dû répondre à cette nouvelle demande grandissante chez leur clients. Un comble lorsque l’on connaît l’animosité entre ces deux acteurs du marché !
Une étude réalisée par Nielsen montre que le hard seltzer représente en 2020 plus de 10% de parts sur le marché “bière / cidre / boisson maltée” et qu’il représente à lui seul une évolution de +40%. D’ailleurs, les consommateurs habituels de bière ont reporté leur budget de 5,6 points au profit du hard seltzer et les consommateurs de vin l’ont fait de 4 points. Cette étude montre également que l’arrivée du hard seltzer sur le marché américain a bel et bien impacté de façon négative le marché de la bière et du vin en leur grignotant des parts de marché. Et ce n’est que le début, au mois de juillet 2019, la marque de hard seltzer “White Claw” est venue titiller “Bug Light” (best seller du géant AB Inbev) en termes de vente globale sur le plan national. Des chiffres qui viennent aussi démontrer une forte tendance de la consommation de ces boissons lors des saisons chaudes.
Les hard seltzers arrivent en France
L’année 2020, malgré la crise sanitaire que nous sommes en train de vivre, marque l’arrivée en grande pompe des hard seltzers sur le marché français via différents canaux : des agences spécialisées dans le cocktail qui se lancent dans leur production, de jeunes entrepreneurs et des importateurs de bières américaines. Et bien que ces acteurs principaux nient leur appartenance au rayon bière, c’est bien sur le salon Planète Bière (qui s’est tenu en octobre 2020) qu’ils présentaient pour la première année leurs produits.
Si toutes ces marques ont tendance à se ressembler sur le produit final, c’est la marque Natz qui a sorti son épingle du jeu en présentant une boisson que l’on pourrait catégoriser “hors catégorie”. En employant un processus de fabrication basé sur des infusions de thé et de jus de citron, Natz propose une boisson avec un peu de sucre résiduel, donnant du corps, permettant de relever le goût et d’arriver à un certain équilibre ! Mais est-ce que cela leur permet de rentrer dans la catégorie “hard seltzer” ? Dur de répondre à cette question puisqu’aujourd’hui sans législation sur le produit, sans définition claire, aucune règle et aucun cadre ne régit la définition même du hard seltzer. Mais c’est bien Natz qui est sorti des sentiers battus avec leurs hard seltzers qui proposent une réelle expérience gustative et le consommateur peut justement percevoir un réel travail sur les matières premières utilisées lors de la confection.
(ndlr. On peut aussi noter le positionnement frais et décomplexé de fefe. qui, grâce à son équipe de bartenders du Syndicat, propose une gamme issue de l’expérience cocktails du Groupe)
Les Douanes à l’affût des hard seltzers
Le 25 novembre 2020, la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects (DGDDI) publie une note concernant le classement tarifaire et fiscal des hard seltzers. Si auparavant, ces produits étaient classés – par défaut – dans la catégorie 2203 (bières) ou 2206 (autres boissons fermentées comme le cidre, le poiré,…), les Douanes ont étudié le cas des hard seltzers et ont décidé qu’ils ne pouvaient pas rentrer dans une des deux catégories citées précédemment mais qu’ils relevaient de la catégorie 2208. Cette catégorie est celle des… spiritueux ; où l’on peut y retrouver les premix. Autant vous dire que le régime fiscal n’est pas le même et que cette pression fiscale peut freiner leur développement sur le territoire français.
Quel est l’intérêt au final ?
S’il est difficilement concevable que des personnes ayant choisi un mode de vie sain (souvent sans alcool) se tournent vers les hard seltzers, sachant d’autre part que l’offre sans alcool se développe chaque année avec une avancée majeure de la bière sans alcool et l’essor des boissons fermentées (peu ou pas alcoolisées) telles que le kombucha et la ginger beer, on se demande qui peut bien être cette cible chez les (futurs) consommateurs de hard seltzer..?
En effet, le hard seltzer représente une expérience gustative proche du néant et n’a aucun intérêt dans l’acte de dégustation et d’échange que peuvent représenter les produits artisanaux ou les créations dans le monde du cocktail. Il est alcoolisé mais l’alcool est peu -voir pas- perceptible. Le hard seltzer s’adresse visiblement aux personnes souhaitant vivre l’expérience d’ivresse sans prise de tête, sans avoir conscience de consommer de l’alcool… et dans cette optique, ce produit peut être considéré comme dangereux. En perdant cette notion d’ingestion d’alcool, nous perdons la conscience de notre acte, cette prise de conscience ne venant que bien trop tard lors de la réaction de notre corps face à cette intoxication alcoolique.
Alors que l’ensemble de l’industrie semblait prendre un chemin vertueux “boire moins, mais boire mieux” avec le développement des bières et spiritueux artisanaux, la (re)découverte du goût, la mise en avant d’un savoir-faire et de techniques innovantes, le hard seltzer vient à contre-courant de ce mouvement, en proposant un produit brut, simple à produire et avec zéro saveur (ou un goût chimique prononcé avec l’utilisation abusive d’arômes) qui s’adresse avant tout aux consommateurs avides d’euphorie alcoolique, un public jeune…
Quel avenir pour les hard seltzers ?
Est bien maline la personne qui arrivera à nous prédire si le hard seltzer sera un succès sur l’hexagone ou si ce produit passera entre les mailles du filet du Ministère de la Santé ou d’une réglementation restrictive et représentant un frein à son développement. Avec la crise sans précédent que nous vivons actuellement, et les dégâts économiques qu’elle a infligés (et qu’elle continue d’infliger) aux jeunes brasseries artisanales, le hard seltzer représente clairement une solution de facilité pour renflouer la trésorerie. Si les consommateurs français répondent présents, il est fort à parier que des brasseries s’y intéresseront à court ou moyen termes pour faire face aux difficultés financières qu’elles subissent à l’heure actuelle.
En tout cas, si le hard seltzer est la boisson de demain, on peut se demander de manière légitime si ce fameux “monde d’après” nous veut finalement du bien… en tout cas, personnellement je le trouve assez ironique.