L’esprit pionnier de Martell souffle toujours dans l’univers du cognac. Incarné aujourd’hui par son maître de chai Christophe Valtaud, par le développement de sa Fondation d’entreprise résolument ouverte sur les arts et et par le mariage constant de la tradition et de l’innovation, comme en témoigne le récent lancement de Blue Swift, il prend ses racines dans un comptoir créé il y a plus de 300 ans par Jean Martell. La plus ancienne des grandes maisons de cognac, dans le giron de Pernod Ricard, met un point d’honneur à perpétuer l’excellence – elle ne sélectionne notamment que les coeurs de chauffe – et continue d’asseoir son rayonnement international. Rétrospective.
1715. Jean Martell se lance dans le cognac
Pour remonter aux origines de la maison, il faut se rendre à Jersey. Jean Martell y passa ses douze premières années avant d’être formé par Law Martin, commissionnaire établi à Guernesey, qui l’initiera aux principes du commerce maritime. Il découvre les subtilités de l’entreposage des caisses et des barriques, lesquelles contiennent notamment des vins rouges d’Aquitaine ou des eaux-de-vie de Charente. Leur passage par Guernesey leur permet d’être exemptés de taxes avant d’entrer sur le territoire britannique. Une expérience que le jeune négociant met à profit en partant à Bordeaux prospecter de nouveaux fournisseurs. Il ne quittera plus la France – il décide d’installer son propre comptoir à une centaine de kilomètres, en se spécialisant dans l’achat et l’exportation de “l’eau de feu” charentaise à Cognac.
1753. Une première succession
Jean Martell décède à l’âge de 59 ans. Issue d’une famille de négociants charentais, sa veuve, Rachel Lallemand, laisse le relais à Jean et Frédéric Martell en 1775 qui doivent successivement affronter la Révolution française de 1789 et le blocage de la circulation des eaux-de-vie qui suit trois ans plus tard, ainsi que le Blocus continental instauré par Napoléon 1er en 1806. La maison résiste à la chute des volumes et parvient même à décrocher une licence d’exportation par George III d’Angleterre; « Les frères Martell forment la plus grosse maison de Cognac qui fasse par commission le commerce d’eau-de-vie », commente le préfet de Charente en 1809. Entre 1874 et 1895, la crise du phylloxéra détruit 80 % du vignoble charentais, amenant une profonde restructuration et un renouvellement des cépages.
1783. La conquête des Amériques
Martell est la première des grandes maisons de cognac à exporter ses produits aux Etats-Unis. L’Amérique du Sud suit en 1817, avant la Chine en 1858. C’est également la première des grandes maisons a exporter vers le marché africain, avec de premières livraisons en Afrique du Sud en 1849, en Angola vers 1910 et au Nigeria en 1914. Martell s’invite aussi à la table des plus grands événements. En 1911, son cognac est servi lors du couronnement du roi George V d’Angleterre et, en 1918, lors de la signature du traité d’armistice mettant fin à la Première Guerre mondiale. En 1936, Cordon Bleu prend part au voyage inaugural du Queen Mary, le plus luxueux des paquebots transatlantiques. Entre Paris et New York, en 1977, lors de la mise en service du Concorde, le voyage se déroule lui aussi avec du cognac signé Martell.
1836. Les chais de Gâtebourse prennent forme
La tour de Gâtebourse, qui abrite aujourd’hui la Fondation d’entreprise Martell, fait partie des lieux incontournables de l’identité de Cognac. Elle a abrité une usine entre 1928 et 2005, avant un transfert de la ligne d’embouteillage à Lignères. Pour autant, Martell a développé son emprise dans la ville en s’installant dans le clos de Gâtebourse,. S’ensuivra l’achat en 1779 des domaines du Port du Lys et de terres à Châteauneuf. En 1836 les premiers chais du site de Gâtebourse sont achevés sur les plans de l’architecte cognaçais Paul Deménieux, avant la construction de nouveaux bâtiments dix-sept ans plus tard. La propriété de Chanteloup est, elle, acquise à titre privé par Théodore Martell en 1838. Les origines du château remontent au 16ème siècle.
1912. Cordon Bleu est né
Edouard Martell et Auguste Chapeau créent Martell Cordon Bleu. Ce cognac, devenu l’une des signatures de la gamme, fait sa première sortie à l’Hôtel de Paris, à Monaco. Une nouveauté qui s’inscrit dans la tradition d’innovation de la maison, marquée par la création de son VSOP (Very Superior Old Pale) en 1831. Martell s’est également distinguée par l’attention qu’elle a très tôt portée à l’importance de la tonnellerie. La tonnellerie et la distillerie ont coexisté dans les années 1930 avant la réaffectation de la distillerie et la création d’une nouvelle unité en 1987 à Saint-Martin, a par ailleurs effectué de nombreux dons à la ville de Cognac, finançant notamment l’installation d’un bureau de poste et du service des eaux. Un versement a également permis de bâtir un orphelinat.
1939. Face à la guerre
Michel Firino Martell doit rejoindre en 1939 les Royal Scots, la division d’infanterie de l’armée britannique qui combat sur le front de l’Ouest, en tant qu’officier de liaison. Tour à tour emprisonné et interné en 1940, il correspond avec son maître de chai François Chapeau et ses collaborateurs afin de suivre l’état des récoltes, de la production et des prix. En 1942, nommé co-gérant de Martell & Cie, il souhaite que la maison s’engage dans l’effort de guerre et, fin 1944, Martell obtient une autorisation pour exporter 2 500 caisses de cognac à destination des Navy, Army et Air Force Institutes, avant de nouvelles livraisons auprès de l’aide aux Alliés et, en 1945, quelques caisses pour les prisonniers de guerre.
1990. Une année record
Les Trente Glorieuses ont profité à la croissance de l’entreprise, qui ne s’est pas arrêtée ensuite en exportant, au cours de l’année 1990, deux millions de caisses de neuf litres. La belle histoire se poursuit lorsqu’en 1982, Martell confirme sa place au premier rang mondial des ventes de maisons de cognac. La maison a su surmonter la crise de surproduction de 1974 ayant amené la Communauté économique européenne à mettre en place des primes à l’arrachage. Dans les années 1990, l’effondrement du marché japonais puis la crise asiatique affectent le marché – Martell essaye alors, autant que faire se peut, d’acheter des volumes auprès des viticulteurs, marque du lien fort et de la confiance de la Maison avec ses partenaires.
2001. Pernod Ricard relance la belle endormie
Actionnaire majoritaire de Martell depuis 1988, le conglomérat canadien Seagram annonce en 1999 la vente intégrale de sa branche vins et spiritueux. Pernod Ricard, qui rachète la marque de Cognac en 2001, redonne son éclat à la maison. Martell vend aujourd’hui 2,4 millions de caisses de neuf litres.
2009. De l’or en flacon
En 2009, L’Or de Jean Martell rend hommage au fondateur de la maison. Ce cognac constitue “la quintessence des cognacs Martell”, selon le maître de chai Christophe Valtaud. Alliant la puissance de la Grande Champagne et la finesse des Borderies, il est présenté dans une carafe en cristal travaillée à la main.
2015. 300 ans et un esprit d’innovation toujours intact
La maison célèbre ses 300 ans au Château de Versailles. L’année suivante, elle lance sur le marché américain Blue Swift, le premier spirit drink à base de cognac VSOP, bénéficiant d’un finish en fûts de Bourbon du Kentucky. Une nouvelle illustration de son savoir-faire illustré au cours des dix dernières années par la création d’une dizaine de références, parmi lesquelles Martell VSOP en 2015, doté d’un médaillon doré à l’effigie de Louis XIV et commémorant l’année 1715. Le savoir-faire à la française dans toutes ses dimensions.
Article réalisé en collaboration avec Martell