Koval, située littéralement en plein cœur de la ville de Chicago, fait partie de ces rares distilleries qui maitrisent de bout en bout les étapes de production de leurs spiritueux. Fondée en 2008 par les docteurs Sonat et Robert Birnecker, elle est la première à ouvrir ses portes à Chicago depuis la moitié des années 1800. Elle était professeure, lui secrétaire de presse adjoint de l’ambassade Autrichienne à Washington (sa famille étant originaire d’Autriche), ils ont décidé de se lancer dans cette aventure afin de créer un business familial.
Leurs maîtres-mots ? Indépendance, transparence, innovation.
La majorité du grain utilisé par la distillerie est sourcé auprès d’agriculteurs locaux, le reste chez d’autres agriculteurs partenaires mais la totalité est certifiée bio et sans OGM par deux organismes de contrôle distincts. A noter que chez Koval, on distille du maïs comme dans la majorité des distilleries américaines mais aussi des céréales que l’on a moins l’habitude de trouver dans nos whiskeys : avoine et millet par exemple.
Tout est distillé sur place en utilisant l’eau du fameux lac Michigan qui borde la ville. Celle-ci est purifiée grâce à un système de filtres à charbon. Les fûts aussi proviennent du Midwest puisqu’ils sont fabriqués à partir des arbres des forêts du Minnesota à quelques centaines de kilomètres de la distillerie (la notion de « local » est un peu différente dans un pays grand comme 17 fois la France). Chaque bouteille de whiskey est issue d’un seul fût (single barrel) et sur l’étiquette figure un code qui permet de retracer les étapes de production. Pour faire simple, chez Koval, la qualité et la transparence sont les premières préoccupations.
« Koval is the largest organic craft distillery in the world, it is dedicated to remaining an independent family-owned and operated company. »
Ça ne parait pas étonnant quand on se penche sur le parcours des deux fondateurs. En plus d’opérer la distillerie, ils sont aussi consultants au sein d’une seconde entreprise, Kothe Distilling Technologies. Grâce à elle, ils ont formé plus de 3500 personnes à la distillation et fourni du matériel à 200 distilleries à travers le monde, notamment aux USA, au Canada, en Europe mais aussi en Afrique. Leur implication dans le monde des distilleries craft a donc eu un impact sur leur essor et permet aujourd’hui à de nombreuses entreprises de produire leurs propres jus, on espère dans le même esprit de transparence et de recherche de qualité que Koval.
J’ai eu l’occasion d’échanger quelques questions avec Sonat Birnecker, pour avoir quelques informations supplémentaires.
J’ai lu à plusieurs reprises « grain to bottle » sur votre site web, mais vous ne faites pas pousser votre grain vous-même. Il s’agit de collaboration avec des fermiers. Donc, comment sourcez-vous vos grains ? Comment choisissez-vous les fermiers avec qui vous voulez travailler, comment effectuez-vous le contrôle qualité et le suivi pour assurer la traçabilité de vos produits ?
Premièrement, nous travaillions exclusivement avec des agriculteurs certifiés bio. A la fois parce qu’on apprécie la qualité de ce type de produit et parce qu’on aime la manière dont ces agriculteurs prennent soin de leurs terres. Ensuite, nous essayons de trouver des producteurs locaux dans la mesure du possible. Nous travaillons avec une coopérative dans le Midwest. Par exemple, tout le maïs provient de l’Illinois. Une partie des autres céréales peut venir de plus loin, en fonction des saisons et des quantités dont nous avons besoin. Ce que nous voulions aussi mettre en avant via la mention « grain to bottle » c’est que nous réalisons tous nos distillats nous-même à Chicago, contrairement à d’autres « distilleries » qui achètent du new-make auprès de fournisseurs industriels.
Donc vous êtes en mesure de retracer tout le parcours des matières premières pour chaque bouteille ? J’ai devant moi une bouteille de single barrel rye portant le code #ZU3F63 et une bouteille de single barrel millet #3Q7Z4X.
Oui en effet ! C’est drôle parce que ces deux bouteilles ont justement été produites avec des céréales qui ont poussé hors du Midwest. Le seigle provient d’une ferme canadienne avec qui on travaille dans l’Ontario et le millet a poussé dans le Colorado.
La traçabilité c’est bien -parce que beaucoup de consommateurs y portent attention- mais beaucoup portent aussi un grand intérêt à l’écologie. Faites-vous des choses pour l’environnement ?
Notre alambic dispose de multiples composants qui aident à réduire sa consommation d’énergie. Toute l’eau froide que l’on utilise pour refroidir les condenseurs est aussi réutilisée (une fois réchauffée par le distillat, NDLR) pour chauffer notre mash du jour. De la même manière, la chaleur dégagée par cette étape est captée et utilisée pour préchauffer l’alambic. L’eau froide quant à elle est recyclée et peut être utilisée pour mouiller nos fûts avant leur remplissage par exemple. En dehors du processus de fabrication, nous avons aussi équipé nos locaux de système d’éclairage basse consommation et encourageons nos employés à se déplacer en vélo. Nous avons d’ailleurs construit un local à vélo à l’entrée de la distillerie et avons aussi planté des fleurs locales pour aider nos voisins qui luttent pour la conservation des abeilles.
J’ai lu que vous n’utilisez que le cœur de chauffe pour remplir vos fûts. Du coup, que deviennent la tête et la queue de distillation ?
Les têtes sont utilisées pour le nettoyage dans la distillerie. Les queues sont tout simplement redistillées et utilisées comme base pour nos autres liqueurs et notre vodka !
Vous utilisez des cuves de fermentation scellées et un alambic de fabrication « maison », pouvez-vous m’en dire plus sur ces deux éléments ?
Nos cuves de fermentation ne sont pas à ciel ouvert ou simplement recouvertes d’une planche comme c’est le cas en Ecosse parce que nous ne voulons pas que le moindre élément puisse interagir avec notre futur whiskey. En fait, c’est tout le processus qui est entièrement « clos » depuis le brassage jusqu’à la distillation. Cela nous aide à contrôler le processus et nous assure une bonne consistance sur la production, même en produisant des single barrel. Notre alambic est composé d’un pot still et d’une colonne optimisée pour accentuer les saveurs avec des éléments en cuivre aux surfaces étendues par rapport à une colonne classique. L’ensemble est automatisé et monitoré, ce qui nous permet à nouveau de maitriser à chaque moment ce qui est en train de se passer dans l’alambic.
Vous faites donc beaucoup pour produire des whiskey les plus propres possibles mais aussi pour l’environnement. En plus, vos produits sont tous des single barrel, non colorés, non filtrés et dont vous êtes en mesure de retracer la provenance très facilement. Pourquoi ne pas plus mettre en avant tout cela sur vos bouteilles ?
Oui, pour nous cela fait partie de notre mission et c’est un engagement « normal ». Nous avons également participé à de nombreux évènements de charité et produit du gel hydroalcoolique pour les pompiers de Chicago. Sur les bouteilles nous indiquons que les grains sont bio et nous faisons figurer le code pour la traçabilité. Etant donné que nous faisons le maximum pour garantir une qualité optimale, il nous semble plus intéressant de laisser le consommateur visiter notre site web ou notre compte Instagram pour en apprendre plus sur nous et nos produits (@kovaldistillery).
Et du coup dans le verre ça donne quoi ? J’ai gouté quatre de leurs produits :
Bourbon whiskey (51% Corn, 49% Millet) 47%
On est sur un nez qui rappelle les classiques du genre, avec des notes boisées et vanillées. Arrivent ensuite du cacao et des fruits tropicaux. En bouche, c’est sucré, sur le caramel, le bois, les épices et les fruits secs. En y revenant j’y ai aussi trouvé des notes de marmelade. La finale est à fond sur les épices, avec quelques notes de vanille qui viennent adoucir le tout.
Rye whiskey (100% rye) 40%
Au nez, toujours des notes boisées avec ici des notes d’orange et quelque chose qui rappelle les rhums high esters de Jamaïque. C’est assez perturbant, mais personnellement je trouve ça intéressant ! En bouche, c’est chaud et doux, onctueux. Sur les fruits secs et les épices de Noël. La finale reste sur le côté épicé et boisé puis évolue sur des notes sucrées.
Millet whiskey (100% millet) 40%
Au nez, encore du bois ; ce qui est classique sur les jus américains (étant donné le vieillissement en fût de chêne neuf). Puis, des épices (poivre et cannelle) et des notes de miel et de cire d’abeille. Jamais je n’avais trouvé un côté cireux à un whiskey US. J’y ai aussi trouvé des notes de fruits exotiques (ananas/coco) dans un style qui, à nouveau, rappelle les rhums de Jamaïque. C’est discret mais bien présent. En bouche c’est assez puissant malgré les 40% d’alcool « seulement ». C’est onctueux, sur l’abricot sec, les dattes et le tabac. La finale est épicée, avec des notes prononcées de chocolat noir.
Four grains (37.5% Malted Barley, 37.5% Oat, 12.5% Wheat, and 12.5% Rye) 47%
Au nez, retour des notes de rhum, ça semble être une constante sur leurs produits. Du bois, une vanille intense, des notes épicées et animales. C’est vraiment riche et intense, impressionnant. En bouche, wow. Un délice. L’alcool est parfaitement dosé, c’est crémeux, rond, avec des notes d’orange, de poivre, de miel (style miel de sapin, quelque chose de puissant). Le bois est toujours présent et apporte des épices qui assèchent un peu et équilibrent à la perfection le côté « dessert » des autres arômes. La finale m’a d’abord parue assez courte, parce que les épices s’estompent rapidement, mais en fait elles laissent simplement place à des notes de raisins secs et de flan à la vanille et au caramel qui tapissent la bouche.
Pour en savoir plus :
koval-distillery.com
instagram.com/kovaldistillery
diva-france.fr